Routine : accélérer le mouvement

C’est dans les locaux de 1083 à Romans sur Isère que nous rencontrons Florian Chosson, fondateur des montres Routine. Il y est hébergé et c’est là que les dernières étapes de l’assemblage des montres ainsi que l’expédition sont réalisées. Sa vie d’entrepreneur se partage entre Paris, Romans et la Franche-Comté, berceau de l’horlogerie française. « Fragilisé mais confiant », c’est son état d’esprit au terme de cette crise sanitaire inédite. La fragilité de la filière horlogère française, Florian en a été un témoin direct, même un peu trop direct à son goût. Retour sur un gros coup de stress.

Deux sur Treize

Tout avait pourtant très bien commencé. Après s’être lancé dans son projet de montre relocalisée fin 2016, le jeune entrepreneur, même pas trentenaire, avait passé les premières étapes toujours très périlleuses : identification de ses 13 partenaires pour la fabrication fin 2017, obtention de la très convoitée certification Origine France Garantie mi-2018, prototypage dans la foulée.

Enfin, Florian était prêt à se confronter au marché en lançant sa campagne de financement sur Ulule. Débutée en septembre 2018, elle s’achevait quelques mois plus tard sur un beau succès. Bien au-delà de l’objectif des 100 unités, la campagne enregistrait un volume de 600 pré-commandes. En ce mois d’octobre 2018, c’était donc plein de confiance qu’il pouvait envisager la suite. Le seul inconvénient avec ce volume, c’était le rallongement des délais, avec une livraison plutôt au printemps et pas à Noël comme initialement communiqué.

J’ai vu, de mes yeux, des ateliers de la filière fermaient, dans la plus grande indifférence

Malheureusement, on n’est jamais à l’abri d’un accident industriel, même dans l’horlogerie. La production à peine débutée, en janvier 2019, Florian apprend le redressement judiciaire et la liquidation de deux de ses treize ateliers partenaires. « J’ai dû réorganiser toute la filière de production dans l’urgence. La fabrication était arrêtée et moi, j’avais des clients à livrer » se souvient-il.

Cette péripétie n’a pas refroidi Florian, bien au contraire. Cela a même renforcé son engagement. « J’ai vu, de mes yeux, des ateliers de la filière fermaient, dans la plus grande indifférence et soixante personnes allaient au chômage du jour au lendemain ».

Réussir pour inciter à relocaliser

Florian a mis une relocalisation ambitieuse au cœur du projet Routine. C’est d’ailleurs pour cela qu’il s’est le premier lancé dans la certification Origine France garantie d’une montre. « Ça a été un grand investissement personnel. J’ai mis un an à me faire certifier et il a fallu inventer avec l’association le mode opératoire pour l’horlogerie. ». C’était aussi l’occasion de s’écarter le plus possible du « bleu blanc rouge washing », « Moi, je ne veux pas être là-dedans » souligne-t-il.

Etant la seule marque certifiée à ce jour, c’est bien sûr un avantage concurrentiel vis-à-vis des clients mais pas seulement. « C’était d’abord un moyen de rassurer mes fournisseurs en leur disant, je ne viens pas seulement pour un one shot chez vous parce que l’origine France garantie, elle est gravée sur ma montre ».

c’est important de montrer qu’il y a un retour sur investissement pour les inciter à accélérer encore le mouvement de relocalisation 

Il espère également que sa démarche et l’intérêt croissant pour le Made in France inciteront ses collègues à relocaliser la production de certains composants :« c’est un sujet qui est sur la table de tout le monde mais c’est important de montrer qu’il y a un retour sur investissement pour les inciter à accélérer encore le mouvement de relocalisation ».

Objectif: juste doubler

Cette crise du COVID a été vécue par Florian comme une pause forcée. La production a été arrêtée trop longtemps et les commandes se sont faites plus rares. Heureusement, le fait d’avoir une organisation « maigre » avec un minimum de coûts fixes lui a permis de passer ce cap périlleux sans trop de dégâts. L’objectif de croissance reste ambitieux : doubler les ventes en 2021.

« Jusqu’à présent, tout s’est fait de manière très spontanée et très organique. Pour accélérer les ventes, il faut maintenant me professionnaliser sur la partie web et mieux comprendre comment mes clients me trouvent et viennent sur mon site ».

Le sujet de la distribution est également un axe majeur de développement. Pour l’instant, 90% des ventes sont réalisées depuis son site marchand et seulement 10% en distribution physique.

Le web peut beaucoup de choses mais ne remplace pas tout 

« Mes remontées clients sont claires. Ils aimeraient bien être conseillés par un bijoutier ou un horloger et aussi pouvoir essayer le produit car l’achat d’une montre est un acte réfléchi. Le web peut beaucoup de choses mais ne remplace pas tout ».

La principale exigence de Florian sera de travailler avec des personnes capables de raconter l’histoire de la marque. « La marque a un Pourquoi qui est différent et qui doit être expliqué aux clients ».

Florian par Florian

« Je suis né en 1990 à Lille et je suis fils de commerçants. Après des études techniques réalisées en alternance dans l’industrie, je décide de poursuivre mes études et intègre la prestigieuse école des Mines de Nancy. Mon rêve de l’époque ? Prendre un jour la tête d’un site de production pour contribuer au renouveau de l’industrie française. Un de mes stages dans l’horlogerie de luxe en Suisse me convainc de me lancer. Le défi est grand mais les enjeux sont à la hauteur !

C’est avec 10.000€ de côté que l’aventure Routine est lancée. Reconstruire une filière horlogère française et mettre sur le marché un produit design, de haute qualité et durable sont désormais mes leitmotiv. »

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