Les entreprises du Fabriqué en France dans la tourmente COVID-19
Les entrepreneurs du Fabriqué en France sont confrontés à une situation unique avec la crise du COVID-19. Ralentir sans s’arrêter, se préparer pour redémarrer, mais tout ceci sans visibilité. Nous sommes allés à la rencontre de certains d’entre eux, tout en restant chez nous bien-sûr.
Témoignage: Quentin de Mauroy – Tranquille Emile
Quentin, jeune entrepreneur lyonnais, son truc, c’est l’action. A peine sorti du lycée, il s’engage dans l’armée, chez les Parachutistes. Au bout de quatre ans, une mauvaise blessure le ramène à la vie civile et à ses études. Diplôme de l’école de Management de Lyon en poche, son oncle Olivier Amourous, qui vient d’acquérir la jeune marque textile savoyarde Tranquille Emile, lui propose une nouvelle aventure en lui confiant le marketing et le développement commercial.
Et depuis, de l’action, il y en a eu avec la refonte de leur plateforme de marque (véritable Made in France, authenticité et fraîcheur), le développement de leur première vraie collection, les premiers recrutements et enfin, la certification Origine France Garantie de leur doudoune « L’Incomparable », une première en France.
Alors forcément, ce ralentissement forcé n’est pas sa tasse de thé. D’autant plus que la nouvelle collection printemps/été, capitale pour cette jeune entreprise, était à portée de main.
Quelle est votre situation actuelle chez Tranquille Emile?
Quentin : La situation actuelle est pour l’instant assez bien gérée en interne. On a fait le choix pour la sécurité de tous de mettre l’intégrabilité des équipes en télétravail, avec une activité beaucoup plus faible car la relation avec nos ateliers partenaires est en stand-by. Notre styliste et notre modéliste, qui sont apprenties, sont actuellement en chômage partiel.
Moi, je maintiens l’activité plus opérationnelle en étant la seule personne qui se déplace au bureau pour préparer les commandes. Comme Tranquille Emile en est encore à ses débuts, la logistique est internalisée et on peut gérer les commandes dans le respect des mesures sanitaires. Je dépose moi-même les colis à la Poste pour éviter les contacts.
Sur la livraison, ce qui est arrêté, c’est Mondial Relay. Colissimo fonctionne normalement. Pour nous, la partie la plus handicapante et qui aura le plus d’impact, pas à court terme mais à moyen et plus long terme, c’est l’arrêt des ateliers. Tous les ateliers partenaires (ndlr : ils en comptent 5 au total) sont stoppés à part un qui est à 50% de son activité. Ce choix a été fait par eux pour assurer la sécurité des employés des ateliers et nous le respectons. C’est la situation actuelle. A voir comment la situation évolue et si une reprise partielle est possible pour eux tout en respectant les gestes « barrières ». Comme tout le monde, nous n’avons pas de visibilité sur la reprise d’activité.
Comment avez-vous adapté votre activité?
Quentin : A court terme, nos plans de communication et d’activation de notre communauté sont évidemment chamboulés.
On ne sait pas comment les gens vont réagir face au confinement. Y aura-t-il une surconsommation ou une baisse de la consommation liée aux craintes de perte de revenu ? Pour s’adapter, on a fait le choix d’offrir pour toute commande la livraison colissimo à domicile. Avec la fermeture des ateliers, nous avons mis en sommeil certaines de nos réflexions notamment sur le recyclage de nos chutes de matériaux. On se concentre sur la gestion du court terme pour l’instant.
On a la chance, dans le Made in France d’être dans un secteur bienveillant où les acteurs sont à l’écoute les uns des autres.
Quels sont les principaux impacts de cette crise pour votre entreprise ?
Quentin : La nouvelle collection printemps/été devait être en production cette semaine pour un lancement 2ème quinzaine d’avril. Nous avons déjà reçu la matière cette semaine. Ensuite, devait intervenir le découpage, la personnalisation, l’assemblage. On aurait dû recevoir les têtes de série début avril pour le shooting et préparer le lancement.
Avec cette collection, nous aurions dû être sur notre première année complète depuis la reprise de la marque. Plus la collection va être lancée tard, plus on va se rapprocher des soldes et plus cela va impacter notre chiffre d’affaires et donc nos projets de développement.
On a besoin de ces nouveaux produits pour nos clients fidèles, notre communauté. Il ne nous reste plus que les produits de la collection précédente automne/hiver mais qui sont commercialisés depuis octobre 2019.
En fonction de la durée du confinement, on sera peut-être amené à réduire les quantités produites et à conserver la matière pour la collection suivante. On est engagé sur une quantité de matière fixe qu’il faudra que l’on utilise de toute façon.
Concernant la confection, on pense que l’on pourra trouver une solution ensemble avec les ateliers, même si on devait revoir les quantités à la baisse. On a la chance, dans le Made in France d’être dans un secteur bienveillant où les acteurs sont à l’écoute les uns des autres.
Des événements ont été annulés ou reportés. C’est le cas du salon professionnel Première Vision Made in France qui est un salon pour les professionnels et nous permet de sourcer les nouvelles matières. C’est là que nous avions notamment trouvé la laine Mérinos pour notre pull « Le Frileux ». Des salons de vente ont également été reportés comme le Printemps des Docks à Lyon. On compte énormément sur le salon du Made in France, MIF expo à Paris a Novembre, pas impacté pour l’instant. C’est un vecteur important de ventes, de notoriété et de contacts. S’il devait être annulé, ça serait même un impact plus important que le confinement. On aura la chance d’être sur le stand Origine France Garantie. C’est important pour notre développement.
On espère juste que la reprise d’activité ne sera pas plus lente en France que dans les autres pays.
Dans cette situation, fabriquer en France, c’est un avantage ou un inconvénient ?
Quentin : pour nous, le Made in France, c’est avant tout des valeurs humaines. C’est pour notre marque un atout et une obligation. Nous n’envisageons pas de modification de stratégie sur le sujet.
On espère juste que la reprise d’activité ne sera pas plus lente en France que dans les autres pays. On sera sûrement confronté à un échelonnement des commandes par les ateliers. Nous croisons les doigts pour qu’il n’y ait pas de retard dans le retard. On aura de toute façon besoin des consommateurs qui croient en nos engagements.
Ce qui est réconfortant, c’est que dans cette situation, beaucoup d’entreprises et les politiques ont des paroles fortes et semblent en tirer des enseignements
Inquiet ou confiant pour la suite ?
Quentin : tout dépendra de la durée du confinement. Si cela s’arrête lundi, on aura juste pris une dizaine de jours de retard. Si ça devait durer jusque mai, cela veut dire que notre nouvelle collection arriverait en juin et cela ne nous permettrait plus d’être en ligne avec notre business plan. Il est important que nous puissions proposer en juin quelques nouveautés, même si c’est moins que prévu. Pour l’instant l’avenir de la marque n’est pas remis en cause par la situation, mais un des engagements forts de Tranquille Emile, c’est aussi de créer de l’emploi. On sera peut-être amené à reconsidérer les embauches prévues pour septembre, notamment pour accompagner notre développement digital.
Moi, je reste confiant, je crois en la marque et en nos décisions. Mais on prend du retard et j’espère que l’on sera capable de le rattraper.
Ce qui est réconfortant, c’est que dans cette situation, beaucoup d’entreprises et les politiques ont des paroles fortes et semblent en tirer des enseignements, notamment concernant les limites de la mondialisation. Si ça peut favoriser une mode plus responsable, plus écologique, plus qualitative, ça ne peut que nous aider dans notre projet.
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Merci Quentin et bon courage à toute l’équipe de Tranquille Emile. On attend la nouvelle collection avec impatience!
Pour continuer à réfléchir sur le sujet, retrouvez ici notre interview d’entrepreneurs du Fabriqué en France sur les pistes de progrès pour continuer à développer l’activité.