Dès le début, la marque de sneakers Made in France Sessile a été conçue par les équipes de la Manufacture 49 comme un laboratoire pour la chaussure Made in France, alors en perte de vitesse. Eco-conçues, Made in France, recyclables. Pour se différencier, il fallait encore plus loin en intégrant la réparabilité des chaussures et en allongeant ainsi sa durée de vie. Dans cet entretien avec Jean-Olivier Michaux (directeur industriel du Groupe Eram & directeur général délégué de La Manufacture 49) et Axelle Gardes (Responsable du marketing digital – Sessile), nous revenons sur ce défi technique qui change le rapport au produit.
FFF: Pourquoi la réparabilité a-t-elle été inscrite dans les promesses de marque dès le début ?
Sessile : Dès le début, nous avons voulu proposer une chaussure qui soit différente. Elle était différente parce qu’elle était fabriquée en France, parce qu’elle était éco-conçue, parce qu’elle était recyclable. Mais pour avoir un vrai différenciant, nous avons voulu intégrer cette donc cette brique de réparation. Le principal intérêt de la réparation, c’est que c’était un défi d’innovation, mais c’est aussi un défi pour l’écologie. Nous souhaitons que nos baskets aient l’impact le plus faible possible sur l’environnement. La réparation permet d’allonger la durée de vie du produit et donc de réduire sensiblement l’impact carbones de nos produits. Nous avons dû innover, notamment sur le démantèlement de la semelle qui nous permet de ressemeler les chaussures. Dans l’absolu, ces techniques existaient déjà, étaient très onéreuses, mais ont été adaptées à des semelles cuvettes de baskets.
FFF: Quelle hypothèse d’allongement de la durée de vie du produit a été prise en compte avec la réparabilité offerte ?
Nous avons été conservateurs pour ne pas faire de fausses promesses. Le calcul a été fait sur une hypothèse de durée d’un an du produit. Dans la réalité, c’est bien supérieur à cela. On considère que la réparation va rajouter un an de vie aux produits. Nous sommes toujours en phase d’acquisition de données et après un an et demi, on est maintenant en mesure d’observer l’état des chaussures. En effet, nous avons livré nos premières 200 paires à Noël 2019 puis 300 autres paires début 2020. Pour l’instant, nous avons une vingtaine de paires pour réparation et l’état général est bon. De mémoire, nous n’avons refusé qu’une seule paire avec des coutures déchirées. Nous sommes encore dans une phase d’apprentissage sur le sujet et il est difficile de prévoir la part des chaussures qui feront l’objet d’une réparation.
FFF: Avez-vous du modifier l’organisation de l’atelier pour intégrer cette activité de réparation ?
On a effectivement un petit module qui travaille entre autres pour l’atelier Bocage et désormais Sessile. De 1 à 2 personnes en fonction du volume d’activité. C’est plus compliqué que sur les produits Bocage, notamment avec le changement de semelles qui prend le plus de temps. L’existence de ce savoir-faire au sein de la Manufacture nous a incité à pousser plus loin le concept et à l’appliquer sur Sessile. Avec des différences néanmoins, pour les chaussures Bocage, l’usage des produits (en location) est limité à deux mois. Pour Sessile, la seule limite, c’est l’état des chaussures.
FFF: Economiquement parlant, vous vous y retrouver ?
Nous passons entre 20 et 45 minutes par paire réparée. Ça peut varier, pour le produit le plus abimé, nous avons passé 3 heures, mais c’était un vrai défi. Clairement, on ne peut pas dépasser les 45 minutes par paire si on ne veut pas perdre d’argent. Il que l’on reste dans une approche industrielle si on veut que cela fonctionne. Aujourd’hui, nous facturons cette prestation 59€ et lorsque l’on retire la TVA, les frais de transport et la matière remise, il ne reste pas grand-chose pour la main d’œuvre. Le but, c’est quand même de ne pas perdre d’argent sur cette activité.
FFF: Cette promesse de réparabilité, change t’elle la relation des clients à la paire de chaussures ?
On crée une relation très individuelle avec nos clients. Ils nous suivent énormément sur les réseaux sociaux. Nous avons d’excellents retours, les clients se sentent valorisés. Ils connaissent très bien le process de retour et sont souvent très bien renseignés. Ils sont attachés à la marque et à ses valeurs, dont la réparabilité et la recyclabilité. C’est d’ailleurs amusant de voir que beaucoup d’entre eux pensent que l’on ne va pas être capables de réparer leurs chaussures et sont surpris qu’on les accepte. On s’occupe d’eux au cas par cas et c’est vraiment apprécié. On a même reçu un message « Pouvez-vous sauver ma paire s’il vous plait ? ». Nous n’étions pas surs mais nous y sommes quand même arrivés et c’est une vraie satisfaction pour toute l’équipe.
FFF: L’actualité de Sessile, c’est quoi ?
Sessile étant une marque essentiellement digitale, nous avons travaillé beaucoup sur notre stratégie de communication. C’est un grand chantier et on teste énormément de choses mais les résultats sont déjà très positifs. Côté produits, on va également élargir la gamme à la rentrée avec un produit laine, un produit végan. On a également dans les tuyaux une paire Running, mais la dimension réparation est plus compliquée à mettre en place.