Opinion | Une France accro aux conteneurs?
C’est la petite musique de cette fin d’année 2021. Sur fond de reprise économique mondiale tonitruante, la chaîne logistique est mise sous tension. Ruptures d’approvisionnement, pénuries de biens et hausse des prix s’affichent dans les médias et nos supermarchés. Mais si cette crise des conteneurs, c’était finalement l’occasion de ne pas consommer que des produits « Grand Export » mais aussi de mieux découvrir le Made in France? Et si cette crise était un point de rupture, une occasion à ne pas manquer? Avec un brin de provocation, c’est aussi la raison pour laquelle nous avons mis cette thématique au cœur de communication de fin d’année. Retour sur une crise qui en dit beaucoup sur notre consommation.
Les dessous d’une crise
Cette situation exceptionnelle et relativement contre-intuitive (dans un contexte de pandémie mondiale) est comme souvent multifactorielle. Dès le printemps 2020, les premiers dominos commençaient à tomber.
Des circuits logistiques en surchauffe
La première raison est directement liée à nous, les consommateurs. Rebond post-COVID, au niveau mondial, on assiste à un boom de la consommation. Entre juin 2019 et juin 2021, la demande des produits d’équipement augmente de plus de 47 % (électroménager, jardinage, ameublement…). Le commerce en ligne connait une croissance de plus de 25% entre février 2020 et juin 2021. Dans ce contexte, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a une nouvelle fois relevé ses prévisions de croissance du commerce mondial pour 2021 et 2022.
Malgré l’augmentation de la capacité des armateurs de « navires porte-conteneurs » (la flotte mondiale a grossi de 4 % entre juin 2020 et juin 2021), c’est toute la chaîne de distribution qui coince. Les ports n’ont pas les infrastructures et le personnel suffisants. Les entrepôts sont saturés et les chauffeurs routier manquent. La Fédération nationale des transports routiers (FNTR) évoquait même récemment une pénurie de 40.000 à 50.000 chauffeurs pour la France.
Le conteneur, cette denrée rare et de plus en plus chère
Derrière la pénurie de ces grosses boîtes métalliques qui irriguent le commerce mondial, il y a un problème assez simple. Elles ne sont actuellement pas au bon moment au bon endroit. Dès le printemps 2020, la consommation a repris fortement aux Etats-Unis et un peu plus tard en Europe. Alors que les produits s’accumulaient en Chine, de nombreux porte-conteneurs étaient toujours en cale et les conteneurs dispersés un peu partout dans le monde.
Cette situation est venue créer un déséquilibre qui n’a toujours pas été normalisé. En Europe, seuls 35 % des bateaux arrivent actuellement à l’heure. D’autres phénomènes sont venus encore davantage perturber la situation comme le blocage du canal de Suez pendant 6 jours par le navire « Evergreen » ou la fermeture de certains ports chinois pour cause de COVID (Shenzhen, Ningbo-Zhoushan…). La conséquence, c’est la flambée des prix du conteneur avec des prix multipliés parfois par sept. La question étant bien-sûr, qui va payer le surcoût?
Une France accro aux conteneurs
Dans ce contexte, on voit fleurir dans la presse, les articles alarmistes. « Y aura-t-il assez de jouets dans les magasins pour Noël ? » (Ouest France – 16/10/2021), « Pénurie de jouets : Faut-il commencer à s’inquiéter pour Noël ? » (20 Minutes – 11/10/21)… bref, on est pas loin de la crise de nerfs. Au delà de cette pénurie temporaire, cette crise met surtout en exergue une consommation accro au Made in Global et la faiblesse de notre tissu industriel.
85% des biens fabriqués sont importés
On a parfois tendance à l’oublier, mais la France est un pays qui importe beaucoup, trop surement. Dans son rapport de 2019 sur Le « made in France », l’INSEE révélait que la consommation en biens manufacturés incluait 64 % d’importations, voire plus de 85 % pour les biens fabriqués. Cette part était même de 87 % pour la consommation de textiles, habits et chaussures. Dans le secteur des jeux et jouets, la part des produits français ne représente que 14% du marché dans la dernière étude sectorielle. En légère hausse, mais le poids lourd du secteur reste la Chine qui fabriquerait 75% à 80% des jouets vendus dans le monde.
Un déficit commercial qui se creuse
Selon les derniers chiffres des Douanes, le déficit commercial français s’est à nouveau creusé en septembre pour atteindre 6,9 milliards d’euros et 68 milliards d’euros sur douze mois. Couplé à l’effet de la hausse des prix des matières premières et énergétiques, ce déficit reflète aussi des niveaux d’importations très élevés et qui culminent à 48,9 milliards d’euros. A titre de comparaison, l’Allemagne a dégagé un excédent commercial de 17,9 milliards d’euros en juillet 2021, soit un excédent de 216 milliards d’euros sur les douze derniers mois!
On retrouve là les symptômes d’un pays malade de ses usines et qui doit faire face à sa désindustrialisation. Les chiffres sont têtus et après trente années d’errance stratégique et de non-politique industrielle, notre pays est en queue de peloton au sein de l’UE (Union Européenne) en terme de part de l’industrie dans le PIB (Produit Intérieur Brut). Nous sommes donc devenus une machine à absorber du conteneur et nous sommes en manque actuellement.
L’opportunité de se remettre en cause
Face à cette situation peu glorieuse, plusieurs possibilités s’offrent à nous. Subir la situation, acheter plus cher, chercher encore plus longtemps sur Amazon et autres Marketplaces le produit dont rêve le petit neveu. Ou bien résister à nos pulsions consuméristes et prendre le temps de challenger nos habitudes et le système.
Pour un des géants du Made in Global, votre achat, c’est juste une autre goutte dans l’océan. Pour ces petites marques du Made in Local, c’est la promesse d’un futur à écrire et d’une équipe à développer.
C’est ce que nous constatons depuis le début de notre projet Fabuleuse French Fabrique en 2019. Le choix du Made in Local, c’est tout, sauf le choix de la facilité. Et c’est vrai pour les entrepreneur(e)s qui se battent pour créer et survivre mais aussi pour les consommateurs, souvent piégés par ce système. Peu présentes dans les grands réseaux de distribution, peu présentes en communication, ces marques ont du mal à émerger et s’adressent à un petit nombre de franco-enthousiastes.
Un choix de consommation et un choix de société
Et si cette crise, c’était la possibilité de prendre le temps de découvrir et de s’informer? Peut-être d’acheter un peu moins mais de considérer sa consommation comme un choix de société. C’est le sens de notre campagne en cette fin d’année 2021. Nous avons tous l’occasion d’être des investisseurs du quotidien grâce à nos achats. Pour un des géants du Made in Global, votre achat, c’est juste une autre goutte dans l’océan. Pour ces petites marques du Made in Local, c’est la promesse d’un futur à écrire et d’une équipe à développer.
Pourquoi ne pas sortir de notre conteneurs-dépendance et découvrir des producteurs qui fabriquent dans nos villes, campagnes et banlieues? Nos partenaires irriguent l’économie locale. Ils fabriquent des charentaises dans le Périgord, des sneakers dans le Maine-et-Loire, des pulls en Auvergne-Rhône-Alpes ou des jeux de cartes en région parisienne. Plus de 850 marques sont présentes au salon MIF Expo cette année, de quoi trouver son bonheur, en cherchant un peu, pour les petites attentions de cette fin d’année.
Epilogue
L’approche peu sembler simpliste et nous avons parfaitement conscience que les tensions logistiques affectent rudement également nombre d’entreprises nationales, en manque de composants ou confrontées aux hausses de prix. Néanmoins, le déséquilibre est là, béant et ne rien dire ou ne rien faire ne nous semble plus être une option.
Le sujet de la réindustrialisation sera un des thèmes centraux de la campagne présidentielle 2022. Les politiques sont attendus sur ce sujet. En cette fin d’année, citoyens et consommateurs, montrons l’exemple en sortant de notre conteneurs-dépendance. Et si nous mettions aussi un peu de Made in Local au pied du sapin?
Pour découvrir de beaux acteurs du Made in Local et des entrepreneurs de nos régions, c’est par ici 🙏🏻
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Stéphane D. pour la Fabuleuse French Fabrique